La Lettre du RAFAL n° 33 du 17 octobre 2011

Bulletin d’information
du Réseau africain francophone sur les armes légères,
pour la prévention des conflits et la construction de la paix

Edité par le GRIP
Chaussée de Louvain, 467 - B1030 Bruxelles
Tél.: (32.2) 241.84.20 - Fax: (32.2) 245.19.33
Courriel : m.luntumbue@grip.org
Internet : http://www.reseau-rafal.org/
Ed. resp.: Luc Mampaey

Cette publication est réalisée dans le cadre des projets du GRIP sur les armes légères, la prévention des conflits et la construction de la paix en Afrique, avec le soutien du Ministère belge des Affaires étrangères, du Ministère de la Communauté française de Belgique et du Ministère des Affaires étrangères du Luxembourg.

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1. Actualité des armes légères et de petit calibre (ALPC)

Le procès de Victor Bout, le courtage d’armes en question

Le mardi 11 octobre 2011 s’est ouvert à New-York le procès du ressortissant russe Viktor Bout, considéré comme l’instigateur du plus important réseau privé de trafic d'armes au monde. Accusé par les États-Unis de trafic d'armes en faveur d’un groupe terroriste, en l’occurrence les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), cet ancien officier de l’armée soviétique est plus généralement suspecté d’avoir alimenté en armes différents conflits notamment sur le continent africain, en Angola, en RD Congo, au Rwanda, en Sierra Leone ou encore au Soudan. L'ONU l’accuse d’avoir armé l’ancien président libérien Charles Taylor ou encore les troupes de l’ancien vice-président de RD Congo Jean-Pierre Bemba, tous deux détenus et jugés à La Haye pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Pour rappel, Charles Taylor a parrainé en Sierra Leone le Front révolutionnaire uni (RUF) de Foday Sankoh et Sam Bockarie, un mouvement rebelle responsable de violences extrêmes sur la population civile (assassinats, viols, esclavage sexuel, et conscription d'enfants soldats). Jean-Pierre Bemba pour sa part, est accusé d’avoir notamment orchestré des viols, des assassinats de femmes en République centrafricaine. En s’appuyant sur un réseau complexe de plus de 50 avions, plusieurs compagnies aériennes et sociétés de transport de fret opérant de manière plus ou moins occulte, Viktor Bout aura été pendant une décennie l’armurier de différents mouvements rebelles et gouvernements africains, sans jamais faire l’objet de poursuites. Dans l’est de la RD Congo plus particulièrement, les avions de Viktor Bout auraient servi à acheminer, outre les troupes et du matériel militaire, le coltan et la cassitérite, en échange de fournitures sur des sites d’exploitation minière.
L’impunité avec laquelle Viktor Bout a opéré résulte du vide juridique qui existe dans la plupart des pays, où les activités relatives au courtage et au transport d’armes ne sont pas régies par la loi. L’ouverture du procès Viktor Bout rappelle l’urgence d’une réglementation du commerce international des armes. Les prochaines négociations en vue du Traité sur le commerce international des armes en 2012 constituent une opportunité incontournable pour l’adoption de règles communes applicables aux transferts d’armes, et notamment aux activités d’intermédiation.
Voir http://www.grip.org/fr/siteweb/dev.asp?N=simple&O=966&titre_page=BR_2011-10-11_VM

Rapport ONUDC 2011 : l’incidence des armes à feu sur les homicides

L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) vient de publier sa première étude globale sur les homicides dans le monde. Cette étude met en exergue un constat et les enseignements suivants :
La prévalence des armes à feu a un lien direct avec l'augmentation du nombre de meurtres notamment en Amérique du sud et centrale, dans les Caraïbes et en Afrique centrale et australe, où près du trois quart des homicides sont commis avec des armes à feu, alors que ce taux est de 21% en Europe. En 2010, 468.000 homicides ont été signalés au niveau mondial, dont 36% en Afrique, 31% aux Amériques, 27% en Asie, 5% en Europe et 1% en Océanie. Cette même année, 42% des homicides ont été commis avec des armes à feu avec des disparités régionales puisque ce taux atteint 74% aux Amériques et seulement 21% en Europe. Pour l’ONUDC, il est indispensable que les politiques mises en place par les Etats pour prévenir les crimes, incluent la ratification et la mise en œuvre du protocole des Nations Unies sur les armes à feu.
Le protocole des Nations Unies sur les armes à feu est le premier instrument international qui prend en compte la question du traçage des armes. Il prévoit en effet, l’enregistrement par chaque État des informations sur les armes à feu pendant au moins dix ans, leur marquage obligatoire lors de la fabrication, de l’importation et des transferts des stocks d’États vers le marché civil. La transposition des dispositions du protocole dans les politiques nationales pourraient aider à éviter la dispersion des armes à feu qui alimentent la violence et font augmenter le nombre d'homicides. À ce jour, seuls 89 Etats sont signataire du protocole qui est lié à la Convention des Nations Unies sur le crime organisé transnational.
L'étude montre qu'il existe un lien direct entre le crime et le maldéveloppement. Les pays avec une forte inégalité sociale sont quatre fois plus exposés aux risques de crimes violents que les sociétés plus égalitaires. Aussi, il semblerait que la croissance économique soit susceptible de freiner et réduire les crimes violents comme l'illustre l'histoire récente de l'Amérique du Sud.
La criminalité est donc à la fois une cause majeure et un résultat de la pauvreté, de l'insécurité et du sous-développement. La criminalité fait fuir les entreprises, érode le capital humain et déstabilise les sociétés. Les politiques de prévention du crime devraient ainsi être combinées avec des initiatives de développement économique et social et une gouvernance démocratique basée sur le respect des lois.
Voir http://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/statistics/Homicide/Globa_study_on_homicide_2011_web.pdf

Le Burundi se dote d’un plan d’action national pour le contrôle des ALPC

En dépit d’une campagne de désarmement volontaire, menée entre 2008 et 2009, et au cours de laquelle quelque 100.000 armes avaient été récupérées, les armes circulent encore au sein de la population burundaise, faisant quotidiennement des victimes. Ce trafic est facilité par la porosité des frontières et par le climat de tensions consécutif aux élections générales de 2010, boycottées par une partie de l’opposition. L’opposition dénonçait des fraudes massives lors du scrutin municipal de mai 2010. A l’issue du boycott, le président du principal parti d’opposition, les Forces nationales de libération (FNL), Agathon Rwasa et certains de ses adjoints étaient entrés dans la clandestinité craignant pour leur sécurité.
La montée de l'insécurité surtout dans les zones rurales, en proie à des attaques à main armée récurrentes, est interprétée par les analystes comme l’indice d’un nouveau mouvement de rébellion en gestation, tandis que le gouvernement qualifie de simples actes de banditisme les différentes attaques perpétrées dans certaines zones rurales du sud du Pays. Le lancement d'un plan d'action national de cinq ans, fin septembre, traduit l’importance que les autorités burundaises accordent à la menace que représente la prolifération des armes légères et de petit calibre pour la paix, la stabilité et le développement du Burundi. Une commission permanente a été créée qui sera chargée du désarmement des civils et du contrôle de la prolifération et la gestion des armes légères, à travers une nouvelle stratégie. Le défi pour le Burundi reste sans doute le financement de ce plan d’action qui repose sur 4 axes principaux, à savoir : le développement d’institutions efficaces ; la gestion, le contrôle et la sécurisation effective des stocks de l’Etat et des armes détenues par les civils ayant bénéficié d’une autorisation de port d’arme ; la production, la diffusion de l’information et la sensibilisation ; le désarmement de la population civile.
Voir http://burundi-gov.bi/Burundi-Securite-Lancement-du-plan

Mesures contre la possession illégale d’armes au Rwanda

Les autorités rwandaises ont lancé un avertissement ferme aux civils qui détiennent illégalement des armes à feu pour qu’ils les remettent volontairement aux autorités compétentes avant que des mesures répressives ne soient prises. En 2010, la police avait décrété une période de grâce d’une durée de sept mois pour la remise volontaire des armes, une date qui a expiré en juin 2010 .Cet appel des autorités fait suite à une recrudescence de vols à main armée dans plusieurs parties du pays. Selon un rapport de la police rwandaise, trois morts et 33 blessés par armes à feu ont été enregistrés entre août et septembre. Pour rappel, La lutte contre la détention illégale d’ALPC par les civils et la destruction de ces armes est une exigence du Protocole de Nairobi de 2005, signé par 11 pays de la région des Grands Lacs et la Corne de l'Afrique. Cet accord vise à prévenir, maîtriser et réduire la circulation illégale des ALPC dans la sous-région. Plus de 32.000 armes à feu illicites ont été détruites depuis 2006. L’actualité récente démontre cependant que les armes continuent à circuler dans diverses parties du pays et sont gardées dans les maisons. L'article 70 de la loi rwandaise relative au port d’armes prévoit une peine d'emprisonnement de sept jours à un an et/ou d’une amende comprise entre 50.000 et 250 000 francs rwandais, pour « toute personne qui utilise illégalement une arme à feu, refuse de montrer une arme à feu ou des documents émis par les autorités compétentes », pour justifier la détention d’une arme».
Voir http://allafrica.com/stories/201109230253.html

Crise alimentaire somalienne et contrebande d’armes vers la Tanzanie

Le District de Tarime, situé dans le nord de la Tanzanie, dans la région du Mara, riveraine du lac Victoria et frontalière du Kenya, est en passe de devenir une plaque tournante de la contrebande d’armes en provenance des pays voisins et de la Somalie. Selon les autorités tanzaniennes, des commerçants locaux ont établi un véritable circuit d’exportation clandestine de maïs, qu’ils échangeraient contre des armes légères en provenance des pays voisins et de la Somalie. Cette formule inédite résulte notamment de la situation de crise alimentaire qui prévaut en Somalie. Du fait de la crise, le maïs et les aliments pour bétail y sont en forte demande. Parce que les armes à feu sont abondantes en Somalie, elles sont devenues le principal moyen d’échange pour obtenir la nourriture. Ce mode d’échange pourrait entraîner une prolifération d’armes illégales dans le district de Tarime et dans la région. Des pistolets, des AK 47, et divers type de fusils, sont ainsi introduits frauduleusement par les commerçants qui les revendent à leur retour dans leurs communautés d’origine. Le commerce illégal d’armes constitue aux yeux des autorités une atteinte à la sûreté nationale. Aussi, un délai va être accordé aux détenteurs d’armes illégales pour leur remise à la police ou aux responsables de l’administration locale, sous peine de poursuites.
Voir http://allafrica.com/stories/201110050973.html

Trafic d’armes libyennes et risque d’instabilité au Darfour

Des armes en provenance de Lybie ont été introduites clandestinement au Soudan et pourraient favoriser une reprise des hostilités dans la région du Darfour. Ces armes, issues des dépôts du régime de Mouammar Kadhafi, ont été introduites en contrebande par le groupe rebelle du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), le plus important des groupes rebelles du Darfour. Le Mouvement aurait rapatrié à la mi-septembre, une centaine de camions chargés d’armes, dans le sillage du retour au Soudan de Khalil Ibrahim, chef du JEM et ancien allié de Mouammar Kadhafi.
Selon diverses sources, la dissémination des armes en provenance des arsenaux libyens au profit de différents groupes rebelles et terroristes touche aussi bien la zone du bassin sahélien que l’Egypte et le Soudan, faisant planer le risque d’une instabilité dans l’ensemble de la sous-région. La plupart des dépôts d’armes du gouvernement de Mouammar Kadhafi sont restés sans surveillance suite à la débâcle de l’armée gouvernementale consécutive aux opérations de l’OTAN.
S’agissant du Soudan, l'ONU s’était récemment réjouie de signes de progrès vers la fin du conflit qui dure depuis huit ans au Darfour. Le nombre d'attaques à main armée avait diminué de 70 pour cent au cours de ces trois dernières années, selon M. Ibrahim Gambari, le chef de la Mission conjointe des Nations Unies et de l'Union africaine au Darfour (MINUAD). Pour rappel, les insurgés au Darfour ont pris les armes en 2003, contre le gouvernement du président Omar el-Béchir qu’ils accusent de négliger la région. Le conflit a entraîné la mort de plus de 300.000 personnes, principalement due à la maladie et la famine, et forcé environ 2,7 millions de fuir leurs maisons, selon les estimations de l'ONU.
Voir http://www.businessweek.com/news/2011-10-06/libyan-arms-smuggled-into-sudan-threaten-renewed-darfur-violence.html et http://www.marianne2.fr/Trafic-d-armes-la-Libye-un-arsenal-a-ciel-ouvert_a211456.html. Voir également la note d’analyse de Mehdi Mekdour présentée ci-après.

2. Publications récentes

Mekdour Mehdi, « Al Qaïda au Maghreb Islamique : une menace multidimensionnelle », Note d’Analyse du GRIP, 25 août 2011

Depuis son adoubement par Oussama Ben Laden en 2007, Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a accru les attaques contre les forces de sécurité des États du Sahel et utilise les enlèvements de citoyens occidentaux afin de véhiculer sa propagande tout en s’enrichissant financièrement. L’ensemble des activités d’AQMI (attaques armées et trafics en tout genre) ont engendré une détérioration de la situation sécuritaire dans la région et ont également des conséquences désastreuses sur le quotidien des populations locales. Après des mois de négociations, l’Algérie et ses voisins du Sahel ont finalement établi une coopération anti-terroriste contre AQMI au travers du Comité d’état-major opérationnel conjoint en avril 2010. Ils reçoivent également des soutiens financiers et militaires de la part d’acteurs extérieurs parmi lesquels les États-Unis, la France et l’Union européenne. Cette Note a pour objectif d’analyser l’impact de la présence d’AQMI dans la région sahélo-saharienne.

 Al Qaïda au Maghreb Islamique : une menace multidimensionnelle (Mehdi Mekdour)

 

  • Luntumbue Michel, « Piraterie et insécurité dans le golfe de Guinée », Note d’Analyse du GRIP, 30 septembre 2011

La montée des actes de piraterie dans le golfe de Guinée est un défi pour les économies des États riverains qui dépendent des activités portuaires et d’exportation pétrolière. Le golfe de Guinée est aussi une région d’importance croissante pour les puissances extérieures importatrices des hydrocarbures dans cette région devenue stratégique. La faiblesse des moyens de surveillance et les retards d’une stratégie d’action régionale empêchent encore l’émergence d’une véritable gouvernance maritime dans la sous-région. Cette note d’analyse replace dans son contexte le phénomène de la piraterie maritime qui affecte le golfe de Guinée, en soulignant ses causes, ses enjeux ainsi que ses conséquences, tant pour les pays riverains que pour le commerce et les relations internationales dans cette région du monde.

 Piraterie et insécurité dans le golfe de Guinée : défis et enjeux d’une gouvernance maritime régionale (Michel Luntumbue)

 

3. Divers

Le Prix Impact de la Stars Foundation

Le Prix Impact de la Stars Foundation s’adresse aux organisations locales qui se consacrent à la problématique des enfants défavorisés et font preuve d’excellence dans les services qu’elles apportent à ce public cible, tout en démontrant une efficacité dans leurs pratiques de management. Chaque Prix comprend 100 000 USD de financement non-affecté, ainsi qu’une assistance-conseil sur mesure et un media-training, permettant aux organisations de répondre à leurs défis sur le terrain et de planifier l’avenir.
Le financement non-affecté donne aux organisations la flexibilité de répondre de manière efficace aux défis qui se posent à elles, ainsi qu’aux besoins des enfants qu’elles aident. L’assistance conseil sur mesure permet aux organisations lauréates d’avoir accès à des formations ou des compétences supplémentaires, et les aide à obtenir le maximum de leur Prix. Le media-training, portant à la fois sur le contenu et l’accès aux médias, fournit aux organisations lauréates les outils et opportunités pour améliorer leur image. Il existe six Prix Impact au total, trois Prix pour la région Afrique – Moyen-Orient, et trois autres pour la région Asie – Pacifique, dans chacune des catégories suivantes : Santé, Education et Protection.
Postuler pour un Prix : La date limite pour le dépôt des candidatures à la première étape du processus de candidature aux Prix Impact 2012 est le Lundi 7 novembre 2011 à 13h GMT. Afin de postuler aux Prix Impact, prière de visiter le site internet de la Fondation pour poser directement votre candidature en ligne ou télécharger la fiche de candidature : http://www.starsfoundation.org.uk/fr/impact-awards.