La Lettre du RAFAL n° 48 du 10 juin 2013

Bulletin d’information
du Réseau africain francophone sur les armes légères,
pour la prévention des conflits et la construction de la paix

Edité par le GRIP
Chaussée de Louvain, 467 - B1030 Bruxelles
Tél.: (32.2) 241.84.20 - Fax: (32.2) 245.19.33
Courriel : m.luntumbue@grip.org
Internet : http://www.reseau-rafal.org/
Ed. resp.: Luc Mampaey

Cette publication est réalisée dans le cadre des projets du GRIP sur les armes légères, la prévention des conflits et la construction de la paix en Afrique, avec le soutien du Ministère belge des Affaires étrangères, du Ministère de la Communauté française de Belgique et du Ministère des Affaires étrangères du Luxembourg.

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1. ACTUALITÉ DES ARMES LÉGÈRES ET DE PETIT CALIBRE (ALPC)

  • Ouverture des signatures du TCA

Le lundi 3 Juin 2013, tous les États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) étaient invités à la signature du tout premier Traité de l’histoire sur le commerce des armes (TCA), au cours d’une cérémonie officielle au siège de l’Organisation à New York. Après plus de sept années de discussions préparatoires et d’âpres négociations, ce texte sans précédent sur le contrôle des armes conventionnelles avait été adopté le 2 avril 2013 par l’Assemblée générale des Nations unies, après l’échec de deux Conférences internationales consacrées à la négociation de ce traité, respectivement en juillet 2012 et mars 2013.

Une douzaine d’États africains, parmi lesquels le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal et le Togo, figurent parmi les 67 premiers pays signataires du texte du Traité lors de son ouverture à la signature le 3 juin. L’entrée en vigueur du Traité ne sera cependant effective qu’après sa ratification par 50 États signataires.

Si l’entrée en vigueur du Traité ne fait aucun doute, son application effective par l’ensemble des pays risque quant à elle de rencontrer quelques écueils. Outre la tiédeur persistante de certains grands pays exportateurs à l’endroit du TCA (Chine, Russie, etc.), la mise en œuvre des dispositions du Traité et la mise en conformité des législations nationales nécessitent malgré tout une mobilisation de moyens financiers, humains, mais aussi techniques, qui pourrait s’avérer conséquente dans nombre de pays.

Ces derniers défis pourront dans une certaine mesure être rencontrés par le biais de mécanismes d’assistance et de coopération internationales entre les États, prévus dans le Traité. Les ONG et centres de recherche, initiateurs de l’idée même d’un TCA, auront un rôle de premier plan à jouer par l’expertise qu’ils ont développée dans ce domaine.

Le TCA répond à l’impérieuse nécessité de règles internationales en matière de transferts d’armes entre États. Le régime de contrôle international qu’il instaure exige notamment des États qu’ils n’autorisent leurs exportations d’armes que sur base d’une évaluation préalable des risques posés en termes de violations des droits humains et du droit international humanitaire, ou encore d’atteinte à la paix et à la sécurité. Le Traité interdit tout transfert d’armes dans certaines situations spécifiques, notamment lorsque l’État exportateur a connaissance que les armes exportées pourraient servir à des fins de génocide, de crime contre l’humanité ou de crime de guerre.

La responsabilisation des États dans leurs décisions de transférer des armes est l’un des seuls moyens de réduire les conséquences de la violence armée dans le monde.

Lire aussi Virginie Moreau, "67 pays, dont la Belgique, ont signé le Traité sur le commerce des armes" : http://www.grip.org/fr/node/911
 

  • Fin d’activité pour le RAIAL / IANSA?

Le Conseil consultatif international (International Advisory Council, ou IAC) du Réseau d'action international sur les armes légères (RAIAL), ou International Action Network on Small Arms (IANSA) en anglais, a annoncé, le 5 juin, la fermeture depuis le 24 avril 2013 de son Secrétariat (bureau de coordination) à Londres, ainsi que la dissolution concomitante de la société IANSA S.A et de son Comité directeur. Au cours de ces dernières années, le Secrétariat du RAIAL a rencontré de manière récurrente des difficultés à lever suffisamment de fonds pour maintenir les activités de son bureau londonien. Bien que des financements aient été trouvés pour des projets spécifiques, les moyens pour les frais de fonctionnement n’ont jamais été suffisants.

En l’absence d’alternatives viables, le Comité directeur a été contraint à fermer son bureau. Les tâches qui étaient jusque-là dévolues au Secrétariat et au Comité ont été confiées au Conseil consultatif international (IAC), chargé de diriger un processus de restructuration. Bien que la fermeture du bureau londonien représente un sérieux revers, les membres de l’IAC soulignent toutefois que le Réseau reste un mouvement global qui ne se réduit pas au seul bureau londonien. Créé en 1998, le RAIAL est une organisation internationale non gouvernementale reconnue par l'ONU. Il regroupe des centaines d’organisations de la société civile qui travaillent ensemble au niveau local, national, régional et international en vue de réduire la violence armée par la réglementation de l’accès aux armes à feu et le renforcement des contrôles sur les transferts d'armes. L’action des membres du réseau s’est surtout caractérisée par les activités de recherche et de plaidoyer et par des campagnes pour promouvoir des mesures locales, nationales, régionales et internationales afin de renforcer la sécurité humaine.

Bien que cette phase de transition reste teintée d’incertitude, l’IAC a lancé un appel aux membres et sympathisants du réseau en vue de recueillir des suggestions destinées à alimenter sa feuille de route stratégique pour une refondation d’un nouveau RAIAL.

Pour plus d’information sur le RAIAL/IANSA, voir http://www.iansa.org ou écrire à communication@iansa.org.

 

  • Trafic d'armes au Nigeria: les sentiers de la contrebande

La prolifération des ALPC connaît un nouvel essor au Nigeria avec l'intensification de l’insurrection de Boko Haram dans le nord du pays et les prémices d’une résurgence de la crise du Delta du Niger. La multiplication des enlèvements et des vols à main armée dans le sud-est du pays donne un nouvel élan au trafic d'armes. Dans le nord-est, les villes frontalières servent de plaque tournante pour le trafic d'armes et de biens illicites, la prise d’otages, et aussi de refuges aux activistes radicaux et à leurs réseaux. Le récent enlèvement d'une famille française dans une route frontalière entre le Nigeria et le Cameroun en est un exemple. De même, de nombreuses saisies d’armes et de munitions – de types, tailles et calibres divers – opérées par les services de sécurité en témoignent. Ces trafics sont encouragés par la nature poreuse des frontières du Nigeria avec le Cameroun, le Tchad et le Niger, et ce, en dépit des efforts des services de sécurité.

Selon le contrôleur général des Services d'immigration nigérians, plusieurs sentiers clandestins ont récemment été découverts entre le Nigéria et les pays limitrophes, conduisant même vers des pays plus éloignés comme le Mali, la Libye et le Soudan. Les estimations les plus prudentes, établies par les habitants de la région, parlent de plus de 250 sentiers sur l’axe Damaturu (État de Yobe)/ Maiduguri (État de Borno) qui mènent directement vers le Cameroun, le Tchad ou le Niger. Ces chemins, pour la plupart inconnus des agences de sécurité et non surveillés, servent de point de passage pour les trafics d’armes et de munitions vers le Nigeria. Outre le passage par ces sentiers clandestins, les contrebandiers utilisent des méthodes de dissimulation diverses pour déjouer la vigilance des agents de sécurité aux frontières. Des camions citernes vides, des moteurs de véhicules, des sacs de grains et des animaux de bât, sont ainsi utilisés pour faciliter la circulation de munitions, d’armes de petit calibre, de drogue, etc. Les agents de sécurité aux frontières terrestres et maritimes se plaignent régulièrement de la porosité des frontières et des voies navigables du pays, aggravée par l'insuffisance de personnel, de véhicules de patrouille, d'équipement de surveillance, etc.

Dans le sud-est du pays, les voies d'eau, les ports et les criques du Delta du Niger fournissent des refuges aux pirogues, navires et canots rapides utilisés pour diverses contrebandes, dont le trafic d'armes. L'échange de pétrole brut volé contre les armes et munitions est une activité de prédilection, férocement protégée par des activistes locaux ou des pirates qui opèrent avec la complicité de certains agents frontaliers peu scrupuleux. Ce trafic constitue une source importante d'armement qui alimente les activistes armés, pas seulement dans le Delta du Niger mais aussi dans le sud-ouest du pays. L'immensité des frontières nigérianes pointe la nécessité d'une refonte de la gestion de la sécurité des frontières et des ports du Nigeria, sans laquelle la lutte efficace contre l'insurrection dans le nord, le trafic d'armes et la prolifération restera illusoire.

D’une manière générale, le problème fondamental de la sécurité aux frontières et de la lutte contre les trafics divers reste la fragmentation et la faible coordination entre les différents services de sécurité. L'utilisation de technologies innovantes – radars, surveillance aérienne, systèmes de détection mobiles – permettrait, à terme, d’améliorer la capacité de détecter des cibles mobiles, même dans les terrains d’accès difficile et de grands espaces ouverts. Dans les régions éloignées, il est courant pour les contrebandiers de suivre les voies naturelles à travers le pays, des vallées, des sentiers de montagne ou des traces d'animaux. Dans ces cas, le système de surveillance mobile (« radar portable blighter ») fournit un moyen abordable de surveillance des zones clés avec des ressources limitées.

Source : Vanguard, mai 2013, “How al-Qaeda, Boko Haram smuggle arms into Nigeria”, http://www.vanguardngr.com/2013/05/how-al-qaeda-boko-haram-smuggle-arms-into-nigeria

 

2. ACTIVITÉS DES MEMBRES

  • Atelier préparatoire à la deuxième campagne nationale de désarmement au Burundi

Le RAPACODIBU, le Réseau d'Actions Paisibles des Anciens Combattants pour le Développement Intégré de tous au Burundi, a pris part à l’atelier de lancement de la deuxième campagne nationale de désarmement de la population civile, organisé à Bujumbura le 28 mai 2013. Des représentants de différents ministères, partis politiques et organisations de la société civile y ont participé.

Lors de son exposé, le président de la Commission nationale permanente de lutte contre la prolifération des ALPC (CNAP) a souligné que cette campagne sera caractérisée par la remise d’armes en échange de microprojets de développement communautaire. A la différence de la campagne précédente (octobre 2009) qui avait été caractérisée par l’octroi d’outils de réinsertion socioéconomique, sur une base individuelle. La nouvelle campagne met donc l’accent sur une approche communautaire, comme la construction d’écoles. Selon le président de la CNAP, cette méthode a été couronnée succès dans d’autres pays, comme le Brésil ou la Colombie. 

Cela ne signifie cependant pas que la précédente campagne de collecte des armes se soit  soldée par un échec. En effet, de récentes statistiques montrent une baisse constante de la violence armée au cours des dernières années, particulièrement marquée après la campagne de ramassage d’armes d’octobre 2009, une opération qui avait réussi à collecter, notamment, 2 186 fusils d’assaut et plus de 160 000 cartouches. En outre, certains considèrent que cette  campagne a largement contribué au caractère paisible et  transparent des élections de 2010. 

Cependant, malgré ces progrès manifestes, la violence armée fait encore trop de victimes parmi la population burundaise (une vingtaine de morts par mois en 2013). Il s’agit donc d’aller plus loin et de faire mieux en retirant une partie des milliers d’armes qui continuent à menacer les paisibles citoyens burundais, tout en contribuant à des projets locaux de développement. Car, comme cela a été maintes fois démontré, la sécurité humaine est  inséparable  du développement économique et social.

  • Rapport sur la sécurité humaine en Côte d'Ivoire (WANEP-CI)

Le Réseau Ouest-Africain pour l’Édification de la Paix, section Côte d’Ivoire (WANEP-CI), à travers son programme CI-WARN, produit et diffuse depuis avril 2012 des rapports mensuels sur la sécurité humaine en Côte d’Ivoire. Ces rapports visent à informer le public, ainsi qu’à dégager des recommandations à l’attention des différents décideurs. Ce quatrième rapport de l’année 2013 offre au lecteur un aperçu général de la situation sociopolitique, économique et, surtout, sécuritaire en Côte d’Ivoire au cours du mois précédent, et propose une recension succincte des faits marquants.

Les rapports sont accessibles à partir de la fiche RAFAL de WANEP-CI : http://www.reseau-rafal.org/node/112

  • Périscope, publication de l’association CPD (Burundi)

L’association Colonie des Pionniers de Développement (CPD), dont l’action est principalement axée sur l’Information et la sensibilisation à la paix et la sécurité humaine au Burundi, a consacré sa publication, Périscope, du mois de juin à la promulgation de la nouvelle loi sur la presse au Burundi. Cette loi controversée a été dénoncée par les professionnels des médias, la société civile tant nationale qu’internationale, ainsi que les pays partenaires du Burundi, en raison de ses dispositions particulièrement restrictives pour la liberté de la presse et l’exercice du métier de journaliste au Burundi.

La publication Périscope est accessible à partir de la fiche RAFAL de la CPD : http://www.reseau-rafal.org/node/168

 

3. PUBLICATIONS RÉCENTES

  • Rouppert Bérangère : Rendre l’avenir du Mali aux Maliens. Brève du GRIP, 4 juin 2013, Bruxelles

Depuis l’opération française Serval de janvier 2013 qui a forcé les groupes armés islamistes (AQMI, Ansar Eddine, Mujao pour les principaux) à se disperser ou à reculer dans les massifs de l’Adrar des Ifoghas, la question n’est plus exclusivement sécuritaire mais bel et bien politique, économique et humanitaire. Maintenir l’intégrité territoriale du pays, redéployer l’administration au nord, (re)former les forces de défense et de sécurité, relancer l’économie et les services sociaux, organiser des élections, rétablir la stabilité et réconcilier les Maliens entre eux, c’est éviter l’installation durable d’acteurs internationaux, en premier lieu l’ONU, le retour des groupes armés islamistes ainsi que la persistance de revendications indépendantistes. Le tempo est donc désormais celui du relèvement au plus vite de l’État malien…mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, ni non plus se substituer aux acteurs maliens eux-mêmes...

Lire l'article sur le site du GRIP : http://www.grip.org/fr/node/912

 

4. DIVERS

  • Un appel à contribution sur le terrorisme et le crime organisé en Afrique

Le Centre Africain d'Études et de Recherche sur le Terrorisme (CAERT), une structure de la Commission de l’Union Africaine, lance un appel à contribution pour des articles consacrés au terrorisme et au crime organisé en Afrique. Ces articles doivent avoir une longueur de 15 à 20 pages et être rédigés en français ou en anglais. Ils doivent parvenir au CAERT pour le 30 juin 2013 au plus tard. Les 20 articles sélectionnés seront rémunérés d’un montant de 500 USD. 

Si vous êtes intéressés et souhaitez davantage de détails, le RAFAL (m.luntumbue@grip.org) peut vous envoyer l’appel à contribution (en anglais).        
Vous pouvez aussi contacter directement M. MoÏse Leckiby, documentaliste au CAERT (m.leckiby@caert.org.dz ou leckibym@yahoo.fr).