La Lettre du RAFAL n° 38 du 28 mars 2012

Bulletin d’information
du Réseau africain francophone sur les armes légères,
pour la prévention des conflits et la construction de la paix

Edité par le GRIP
Chaussée de Louvain, 467 - B1030 Bruxelles
Tél.: (32.2) 241.84.20 - Fax: (32.2) 245.19.33
Courriel : m.luntumbue@grip.org
Internet : http://www.reseau-rafal.org/
Ed. resp.: Luc Mampaey

Cette publication est réalisée dans le cadre des projets du GRIP sur les armes légères, la prévention des conflits et la construction de la paix en Afrique, avec le soutien du Ministère belge des Affaires étrangères, du Ministère de la Communauté française de Belgique et du Ministère des Affaires étrangères du Luxembourg.

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1. ACTUALITE DES ARMES LEGERES ET DE PETIT CALIBRE (ALPC)

1.1. Vers un marquage des armes légères et de petit calibre dans l’espace de la CEDEAO

Le Togo a reçu récemment des équipements de marquage pour les armes légères et de petit calibre, dans le cadre d’une vaste opération de marquage menée dans plusieurs pays de la CEDEAO, et soutenue par le Centre régional sur les ALPC (Regional Center on Small Arms, RECSA) dans le cadre d’un projet européen. Outre le Togo, l’opération de marquage vise également la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Mali. Le marquage, qui figure dans les prescrits de la Convention de la CEDEAO, vise à donner une identité à chaque arme permettant ainsi la traçabilité, au même titre que l’immatriculation d’un véhicule. Connaître l’origine, le type et l’année de fabrication d’une arme permettrait en principe d’en contrôler les conditions de circulation tout en facilitant la constitution de véritables registres nationaux, qui figurent également parmi les prescrits de la Convention de la CEDEAO. Aussi, l’identification des propriétaires d’armes non déclarées est une étape essentielle. Elle permettra à ces derniers de régulariser leur situation par le dépôt d’une demande de port d’arme auprès d’une commission spécialisée.

http://africadefensejournal.wordpress.com/2012/03/15/togo-operation-de-marquage-des-armes-de-petits-calibres/

1.2. Armes légères et violence au Kenya

La prolifération des armes légères est indéniablement l’un des facteurs aggravant des conflits et de l'instabilité en Afrique orientale. Le Kenya a longtemps été un important point de transit pour les armes destinées aux pays en guerre dans la sous-région. Il pourrait à son tour être submergé par la violence qu’induisent les flux d’armes incontrôlés. La prolifération des armes en Afrique a atteint un seuil critique, devenant l’un facteur déterminant de l'insécurité, de la criminalité, de la baisse de l'activité économique et de l'érosion des services sociaux dans certaines régions du continent. Selon Small Arms Survey, environ 30 millions d'armes légères sont en circulation en Afrique sub-saharienne. Les craintes semblent justifiées pour le Kenya, en raison de rumeurs récurrentes sur des caches d’armes illicites dans certaines régions du pays, en particulier dans la province de la Vallée du Rift. En décembre 2009 et février 2010, des milliers de munitions, des uniformes militaires, des milliers de litres de carburant, de véhicules et autres armes ont été découverts dans la localité de Narok, en province de la Vallée du Rift. Bien que l’ensemble des médias ait rapporté cette découverte, les autorités n’ont pas semblé manifester la volonté d'enquêter. Personne n'a été arrêté et poursuivi au sujet de ces armes. Entre 1992 et 2008, année de la crise électorale la plus aiguë de l’histoire du Kenya, une vague de violence politique - dans laquelle intervenaient divers types d’armes - a causé la mort de milliers de Kenyans ainsi que des destructions matérielles conséquentes. Au cours de la violence politique armée dans la province côtière en 1997, 104 personnes ont été tuées, 133 blessées et 100.000 déplacées. Entre 1991 et 1998, la violence politique à connotation « ethnique » a causé la mort de 3.500 personnes et déplacé plus de 400.000 personnes dans la province de la Vallée du Rift. En 2000, la police kenyane a saisi entre 1800 et 2000 armes sans licence à Nairobi, et environ 5.000 armes à feu illégales seraient encore en circulation dans la capitale, selon les estimations. Dans d'autres parties du Kenya, dans les provinces du Nord de la Vallée du Rift 95 pour cent des ménages seraient armés. La prolifération des armes légères illicites est une question transversale, liée en grande partie à la faiblesse des réglementations dans la plupart des pays et à l'incapacité des gouvernements africains à exercer leur autorité. Malgré le fait qu'il y ait des lois pour contrôler l'afflux d'armes, les gouvernements sont incapables de faire les faire appliquer. Adapté d’un article d’Andrew Mwangura paru dans la revue Pambazuka, le 23 févier 2012.

http://www.pambazuka.org/en/category/comment/80153

1.3. Quelle gestion des stocks de munitions après Brazza ?

L’explosion, le 4 mars 2012, d’un dépôt de munitions sur un site de réparation et de stockage d’armements au Congo Brazzaville, a remis en lumière la question de la gestion des dépôts d’armes et de munitions sur le continent africain, de manière générale. Au cours de ces dernières années, on dénombre en effet au moins une dizaine d’explosions dans les dépôts d'armes en Afrique, qui ont entraîné des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants. En avril 2000, l’incendie et l’explosion d’un dépôt de munitions à l’aéroport de N’djili à Kinshasa (RDC) a causé la mort d’au moins 104 personnes. En mars 2001, l’incendie d’un dépôt de munitions à Conakry, en Guinée, a fait 42 victimes. En janvier 2002, l’explosion d’un dépôt de munitions dans la caserne d’Ikeja à Lagos au Nigéria, a fait plus de 1000 morts. En mars 2007, l’explosion de l’arsenal de Malhazine près de l’aéroport de Maputo, au Mozambique, a causé la mort de plus d’une centaine de personnes et blessé 500 autres. En avril 2009, l’explosion d’un dépôt de munitions du camp militaire de M’Bagala à Dar-es-Salam, en Tanzanie, fait 28 morts, 300 blessés et détruit jusqu’à 7.000 résidences. Si certains gouvernements ont tendance à minimiser la gravité ou les causes de ces incidents répétés, dans la plupart des cas le drame aurait pu être évité si des dispositions appropriées avaient été prises et des installations adéquates érigées. Le prescrit des articles 16 de la Convection de la CEDEAO et de la Convention de Kinshasa- relatives aux armes légères et de petit calibre-préconise notamment la prise par les Etats de mesures assurant des conditions de gestion et d’entreposage sécurisées pour leurs stocks d’armes légères et de petit calibre. Nombre de dépôts d’armes et de munitions, en Afrique, se retrouvent pourtant dans des zones urbaines et ces dépôts d’armes et de munitions obéissent rarement à toutes les normes requises. L’explosion des installations de Mpila à Brazzaville, s’est soldée par la mort de plus de 250 personnes, 1500 blessés, plus de 5000 habitations détruites et plus de 15000 sans-abris. Outre la délocalisation des arsenaux des zones urbaines, nombre d’analystes préconisent, dans le cadre de la coopération et de l’assistance technique internationale, la mise en place de mécanismes rigoureux de gestion des stocks, à travers des inspections régulières des entrepôts d’armes, la sécurisation des sites et la tenue d’inventaires fiables de ces stocks. En attendant, une mesure élémentaire passe par la destruction adéquate et règlementée des munitions excédentaires et obsolètes.

http://www.grip.org/fr/siteweb/images/NOTES_ANALYSE/2009/NA_2009-04-27_FR_H-ANDERS.pdf,

  • ainsi que Pierre Martinot, « Les munitions au cœur des conflits », Rapport du GRIP, mars 2008, Chapitre 6.2.

http://www.grip.org/pub/rapports/rg08-3_munitions.pdf

2. ACTIVITES DES MEMBRES

2.1. Le réseau RAFAL accueille trois nouveaux membres

2.1.1. Artisans de Paix pour un Plaidoyer Social (APPS)

Première association béninoise à adhérer au RAFAL, APPS a été fondée en 2011 par des jeunes chercheurs et praticiens intéressés par les questions touchant à la prévention, la gestion des conflits, la consolidation de la paix, la gouvernance des systèmes de sécurité, le développement et la gouvernance démocratique (notamment les élections). En dépit de sa création récente, APPS a déjà mené deux activités de recherche/publication avec l'Institut des Relations Internationales et des Etudes Stratégiques (IRIES-Bénin) et le Centre Pearson pour le maintien de la paix (Canada). APPS s’est doté d’un plan d’action stratégique, triennal, en janvier 2012, axé sur l'organisation de séminaires, ateliers de formation et activités d'appui-conseil touchant à ses thématiques de prédilection : renforcement des capacités africaines de paix; éducation de différents acteurs et des communautés de base à la culture de la paix ; sensibilisation à la non-prolifération des armes ; plaidoyer pour un contrôle démocratique efficace des systèmes de défense et de sécurité, etc.

http://www.reseau-rafal.org/siteweb/dev.asp?N=simple&O=525

2.1.2. Collectif Multisectoriel pour le Développement Intégral (CMDI)

Le CMDI est une organisation non-gouvernementale de droit angolais, fondée en 2002, dans le contexte de la fin de la guerre civile angolaise. Ce contexte post-conflit est marqué par des inégalités socioéconomiques criantes ainsi que par un taux de criminalité élevé, lié notamment à la circulation incontrôlée et illicite des ALPC. Au cours du conflit, en effet, le Gouvernement angolais avait lui-même distribué des armes d’assaut à ses partisans, armes qu'il peine aujourd’hui à récupérer. Le CMDI s’est donc assigné comme missions de lutter contre la circulation illicite et l’usage abusif des ALPC, d’œuvrer d’une manière globale à la défense des droits humains et à la prévention et la résolution des conflits. Le CMDI est également impliqué dans les efforts pour renforcer le RASAL, Réseau Angolais d’Action sur les Armes Légères, en vue de contribuer à la consolidation de la paix à l’échelle du pays.

http://www.reseau-rafal.org/siteweb/dev.asp?N=simple&O=526

2.1.3. Mécanisme pour l'initiative de la recherche de la paix et du développement (MI-RPD)

Basé à Gitega, deuxième ville du Burundi, le MI-RPD a été créé en 2005 et est principalement actif dans le domaine de la promotion de la paix et la sécurité, le désarmement des civils, la formation et l’éducation aux droits de l’homme, et sur le plan du développement communautaire. L’objectif principal MI-RPD est de consolider la paix, notamment par les activités de plaidoyer, par l’encadrement des anciens combattants victimes de la gestion inefficace du programme de Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR), et enfin par la vulgarisation du contenu de la loi portant sur le régime des ALPC et d’autres instruments tant régionaux qu’internationaux (Protocole de Nairobi, Convention de Kinshasa...).

http://www.reseau-rafal.org/siteweb/dev.asp?N=simple&O=524

2.2. Des efforts pour la relance du RECAAL

Des efforts sont en cours pour relancer le Réseau congolais d’action sur les armes légères (RECAAL), réseau fondé en 2004 par des dizaines d’associations de la société civile de RDC afin d’optimiser leur action contre le fléau de la prolifération des ALPC. Voir http://www.reseau-rafal.org/siteweb/dev.asp?N=40&O=414&titre_page=Autres.
Rappelons que le coordinateur national du RECAAL, Flory Kayembe, est subitement décédé en janvier dernier. Les statuts et d’autres documents légaux du réseau sont en train d’être actualisés, tandis qu’un plan d’action devrait être prochainement mis au point. Pour l’instant, les coordinateurs de l’initiative de relance sont en train de contacter les associations actives sur ce terrain en les invitant à remplir une fiche d’identification. Cette fiche peut être demandée au RECAAL à l’adresse recaal_rdc@yahoo.fr.

3. PUBLICATIONS RECENTES

3.1. Luc Mampaey, « Dépenses militaires, production et transferts d’armes : Compendium 2012», Rapport du GRIP, mars 2012

Ce rapport présente une synthèse des principales statistiques relatives aux dépenses militaires mondiales, à la production et aux transferts internationaux d’armements conventionnels. Les données de ce rapport proviennent pour l’essentiel des banques de données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), éventuellement complétées par des statistiques socio-économiques extraites des bases de données d’Eurostat, de la Banque mondiale, d’agences des Nations unies ou de la presse spécialisée. Une distribution des importations mondiales en fonction de l’indicateur de développement humain (IDH) établi par le PNUD indique que les pays les plus pauvres de la planète (IDH faible) ont importé 14 % des armements en 2010. Il s’agit d’une très nette augmentation pour la cinquième année consécutive.

http://www.grip.org/fr/siteweb/images/RAPPORTS/2012/Rapport%202012-4.pdf

4. DIVERS

4.1. Appel à propositions restreint de la Délégation de l'Union européenne en République Démocratique du Congo

Dans le cadre de l'objectif 2 du Document de Stratégie IEDDH 2011-2013, le présent appel à propositions poursuit comme objectif spécifique : l'appui à des initiatives de la société civile pour la promotion de droits humains de base et/ou la prévention – transformation des conflits dans le contexte actuel de la RD Congo. Cet appel s’adresse aux organisations de droit congolais, qui développent prioritairement des activités dans les domaines suivants :

  1. Actions en faveur du monitoring, plaidoyer, suivi des cas de violations des droits humains de base (ex: droits des migrants, droits des détenus, droits des minorités). Liste non exhaustive activités éligibles : mécanismes de monitoring/rapportage/documentation de cas ; système d'alerte ; processus de dissémination de l'information ; mécanisme de plaidoyer/notification avec parties prenantes ; système de référence et partenariat avec acteurs compétents pour assistance ; procédure de suivi de cas ; mobilisation assistance ponctuelle pour rétablir le droit (ex: aide légale…).
  2. Actions visant à prévenir, mitiger, gérer des conflits locaux (ex: accès à la terre, partage ressources naturelles, tensions communautaires,…). Liste non exhaustive des activités éligibles : Etude, recherche, documentation objective, factuelle des situations de conflit ; Identification des racines des dynamiques conflictuelles et des mécanismes de résolution possible ; Initiative de conciliation, échange, concertation, dialogue entre parties prenantes ; Appui des micro-projets intégrateurs ; Diffusion de bonnes pratiques, collaboration/Echange avec autres actions similaires.

Modalités de la soumission : L'enregistrement préalable des demandeurs dans la base de données en ligne d'EuropeAid, PADOR est obligatoire pour cet appel à propositions (cliquez ici).

Cet appel à propositions est un appel restreint. Dans un premier temps, une note succincte de présentation doit être soumise pour une évaluation. Par la suite, les demandeurs dont les notes succinctes de présentation auront été présélectionnées seront invités à soumettre un formulaire complet de demande.

Date limite de soumission des propositions : 30 avril 2012, à la Délégation de l'Union européenne en République Démocratique du Congo, à Kinshasa.