La Lettre du RAFAL n° 39 du 30 avril 2012
Bulletin d’information
du Réseau africain francophone sur les armes légères,
pour la prévention des conflits et la construction de la paix
Edité par le GRIP
Chaussée de Louvain, 467 - B1030 Bruxelles
Tél.: (32.2) 241.84.20 - Fax: (32.2) 245.19.33
Courriel : m.luntumbue@grip.org
Internet : http://www.reseau-rafal.org/
Ed. resp.: Luc Mampaey
Cette publication est réalisée dans le cadre des projets du GRIP sur les armes légères, la prévention des conflits et la construction de la paix en Afrique, avec le soutien du Ministère belge des Affaires étrangères, du Ministère de la Communauté française de Belgique et du Ministère des Affaires étrangères du Luxembourg.


1. ACTUALITE DES ARMES LEGERES ET DE PETIT CALIBRE (ALPC)
• Ghana : tracer la production locale d’armes légères
Selon le Journal The Ghanaian Chronicle, près de 56 pour cent des 230.000 armes légères fabriquées au Ghana circuleraient sans licence. Cela signifie que jusqu'à 125 000 armes à feu illicites seraient entre les mains de détenteurs non identifiés et sans que l’on puisse les tracer. Ces armes représentent une menace sérieuse pour la sécurité de l'Etat. En outre, le risque existe qu’une partie de ces armes légères en circulation aient pu alimenter ou provenir des zones de conflit comme la Côte d'Ivoire, la Sierra Leone et le Libéria. Ce qui justifie amplement la décision prise récemment, par la police, d'effectuer des contrôles aléatoires sur les personnes et les zones soupçonnées d'être des points de passage de ces armes afin d’en récupérer une partie. Bien évidemment, il y a plus d'armes en circulation dans le pays que la police ou toute autorité pourraient connaître. La systématisation de l'enregistrement biométrique pourrait améliorer la traque des armes illégales en circulation.
De même, la constitution d’une base de données de tous les forgerons capables de fabriquer des armes permettrait également d’assurer un meilleur contrôle et la traçabilité des armes et des munitions produites localement. Le Ghana, qui se targue d’être un havre de paix dans une sous-région en proie à des turbulences, ne peut se passer d’un véritable système de contrôle des armes et des munitions. A l’approche des élections, prévues en décembre 2012, les autorités ghanéennes se trouvent aussi dans l’obligation d’anticiper les risques de crise ou de violences électorales par la mise en place d’une réglementation réellement contraignante pour la possession et l’usage des armes à feu. Il s’agit de dissuader certaines personnes d’utiliser les armes à des fins d’intimidation.
Source : http://allafrica.com/stories/201204270029.html
• Contrôle défaillant du courtage d’ALPC au Ghana
Selon la Commission nationale ghanéenne sur les ALPC (NCSALW), le Ghana compte environ 30 importateurs d'armes sous licence, mais il n’existe dans la plupart des cas aucune base de données crédible sur leurs activités. Seuls six de ces marchands d’armes seraient réellement actifs, selon les responsables de la NCSALW. La majorité seraient donc des importateurs dormants, qui possèdent des licences d’importation d’armes, mais n'ont pas les capacités financières pour importer une quantité importante d'armes. Si certains courtiers ont la licence, mais n'ont pas l'argent, d’autres ont à la fois l'argent et la licence. Les institutions de l'Etat ne disposent cependant pas de statistiques exactes sur le nombre d'armes que ces courtiers importent chaque année, ni sur les destinataires de ces ventes d’armes. La législation actuelle ne permet pas d'assurer le suivi efficace des activités des courtiers. Il existe quelques données globales sur le nombre d'armes périodiquement importés dans le pays. Il s’agit le plus souvent d’ALPC, comme des fusils d'assaut, pistolets, fusils à double canon, fusils à pompe. Certains analystes avancent le chiffre de 6.000 armes à feu importées chaque année. D’autres analystes estiment que le chiffre pourrait être encore plus élevé. Au cours de ces trois dernières années, le gouvernement n'a pas autorisé l'importation d'armes dans le pays, selon la NCSALW. Ce qui n’a cependant pas empêché l’exercice clandestin du commerce d’armes par certains courtiers.
Les ventes d’armes représentent tout de même des sommes d'argent considérables. Les armes sont devenues un enjeu crucial au Ghana ces derniers temps. Les rapports récurrents faisant d’incidents liés à la possession d’armes à feu attestent de l’urgence d’un renforcement de la législation réglementant la possession d'armes. Bien que la législation ghanéenne prévoie des procédures strictes pour l'acquisition d'armes à feu par les civils, il n'y a pas de dispositions claires sur la façon dont ces armes peuvent être détenues. Par exemple, au nom de la légitime défense, les personnes admissibles sont autorisées à posséder des armes ; ces personnes peuvent se promener avec leurs armes, mais ne peuvent être soumis à des sanctions parce que les lois sur le contrôle des armes à feu ne sont pas explicites à ce propos.
Source: http://www.ghanaweb.com/GhanaHomePage/NewsArchive/artikel.php?ID=236945
• Ouganda : des soldats et des policiers dans le trafic d’armes et de munitions
L'Ouganda dispose d’une des législations les plus strictes sur le contrôle des armes dans la région. Pourtant, une enquête du journal The Monitor a révélé que cette législation reste sans conséquence pour le commerce illégal d’armes et des munitions, ainsi que les décès qu'ils pourraient causer. Différentes enquêtes récentes montrent que les armes à feu, qui sont responsables de centaines de décès à Kampala et dans les districts voisins, sont facilement accessibles et que les concessionnaires voyous qui les vendent ne sont guère inquiétés. Les rapports de police de ces dernières années indiquent une augmentation de la criminalité, avec un grand nombre de civils tués de sang-froid. Un rapport de 2010 mentionne au moins 239 décès par balles, contre 280 l'année précédente. Le même rapport mentionne 1 154 cas de vol aggravé, pour lesquels des armes meurtrières ont été utilisées, alors qu'un an plus tôt 1 909 cas ont été enregistrés. Le plus grand nombre de cas a été enregistré par la police de Katwe Station, dans la Division de Makindye. C’est dans cette localité de la périphérie de Kampala que des revendeurs, qui prétendent être des soldats de l’armée ougandaise, et leurs intermédiaires tiennent un « marché », où les balles sont vendues au prix de 25 000 shillings la pièce (10 dollars des Etats-Unis). Les balles de Kalachnikov (AK-47), qui sont les plus demandées, reviennent à 200 000 shillings (environ 80 dollars) pour 9 unités. Ces balles fournies par les soldats sont des balles excédentaires, escamotées le plus souvent après les exercices de tirs sur cible. Les armes sont rarement vérifiées avant d’être retournées à l'armurerie. Dans la banlieue Makindye, où est situé ce marché, se trouve également la plus grande caserne de Kampala, avec la police militaire, l'armurerie et le tribunal militaire. Bien qu’il soit possible que de simples brigands se fassent passer pour des soldats pour couvrir leurs activités criminelles, les résultats de l’enquête du Monitor corroborent les conclusions de la Commission présidée par Julia Sebutinde sur la corruption dans la police ougandaise, qui a conclu à l’implication d’officiers supérieurs dans la location d’armes à des gangs.
Source : http://www.monitor.co.ug/News/National/-/688334/1381148/-/aw6ohxz/-/inde...
2. ACTIVITES DES MEMBRES
• Atelier de formation sur la problématique des ALPC à Kalemie (RD Congo) organisé par CRISPAL-Afrique
A la suite de l’atelier organisé à Kalemie les 12 au 13 janvier dernier ayant regroupé les OSC et les médias du Nord-Katanga, et tenant compte des recommandations pertinentes y formulées, l’ONG CRISPAL-Afrique, membre du RAFAL, a organisé, le 13 avril, toujours à Kalemie (Nord-Katanga), un atelier de formation destinée à des responsables des Forces armées de RDC (FARDC), de la Police et des services publics, à des leaders religieux et de la société civile, et à des chefs coutumiers.
Consacrée à la problématique de la prolifération des armes légères à l’Est de la RDC, la formation s’est basée sur un film, intitulé « Armes, trafic et raison d’Etat ». La projection cinématographique a été suivie de deux exposés :
- La problématique de la prolifération des ALPC, développé par Me Anaclet KABAMBA
- Les instruments juridiques s’y rapportant, développé par Me Jean-Paul MATUK, Directeur du CRISPAL-Afrique.
Cette activité entendait soutenir le Gouvernement de RDC dans son programme de désarmement civil volontaire. La méthodologie a été essentiellement participative, à travers des carrefours et des discussions constructives entre les participants.
• La société civile du Kivu s’inquiète de la recrudescence de l’insécurité
Ces dernières semaines, un mouvement de défection de soldats et d’officiers des Forces armées de RDC, couplé à une recrudescence de l’insécurité au Nord et au Sud-Kivu, a fortement inquiété nos partenaires dans cette région. Alors que le Kivu est loin d’être pacifié et connaît un degré de violence armée tout à fait inacceptable, nous ne pouvons qu’espérer que ces défections ne sont pas le prélude à une nouvelle rébellion de grande ampleur et que, tant à Kinshasa que dans les capitales voisines, tout sera mis en œuvre pour faire rentrer dans le rang les militaires indisciplinés. Afin d’approfondir ce sujet, nous vous conseillons de lire le texte joint à la présente Lettre, rédigé par notre collaborateur Lorrain-David Kitumaini, animateur de l’association Life Rescue / Sauvons la Vie, basée à Goma.
Nous vous suggérons également de prendre connaissance du récent communiqué de presse sur la dégradation de la sécurité au Nord-Kivu émis par l’Association des Chrétiens pour la promotion de la paix et du développement (ACPD). Ce communiqué, ainsi que les divers rapports mensuels sur les violences armées au Nord-Kivu de l’ACPD, sont accessibles via sa fiche RAFAL : http://www.reseau-rafal.org/siteweb/dev.asp?N=simple&O=467.
• Interview d'ex-combattantes burundaises
Le Réseau d'Actions Paisibles des Anciens Combattants pour le Développement Intégré de tous au Burundi (RAPACODIBU) a publié une intéressante interview de femmes ayant combattu dans divers groupes armés burundais. Cette interview met en lumière les difficultés de la réintégration de ces femmes dans la société, dues à la fois aux problèmes économiques du pays et à un phénomène de stigmatisation dont elles sont victimes. L’interview met également le doigt sur les raisons qui ont poussé ces femmes à rejoindre des groupes armés rebelles et les risques qu’elles y adhèrent à nouveau. L’interview du RAPACODIBU est disponible sous http://www.reseau-rafal.org/siteweb/images/Membres/Afrique_centrale/BURU....
• RDC : Un rapport accusateur sur la dissémination des armes légères
La Fondation Paix Sur Terre, basée à Kisangani, a publié ce 8 avril un rapport succinct sur la prolifération des armes légères en République démocratique du Congo. Ce rapport expose les résultats marquants d’une enquête de terrain s’étant déroulée au cours des dernières années sur tout le territoire de la RDC. La Fondation révèle ainsi :
- l’extrême fragmentation des responsabilités en matière de gestion des armes,
- l’existence d’une bureaucratie peu efficace chargée de gérer les stocks,
- la soustraction d’armes des stocks par des responsables officiels, civils comme militaires,
- la quasi-absence de coordination dans la gestion de la logistique à la fois entre différents services de sécurité et au sein de ceux-ci,
- l’absence d’inventaire et d’identification des armes détenues par les forces de sécurité.
A la racine de cette situation déplorable, la Fondation pointe surtout la corruption de certains officiels, civils comme militaires.
Sur plusieurs points, cette étude recoupe celle menée en 2009 par le GRIP et le BICC à la demande du PNUD-RDC (voir http://www.grip.org/fr/siteweb/dev.asp?N=simple&O=940), notamment lorsqu’elle constatait que de nombreuses armes illégales détenues par les civils et groupes armés dans l’est de la RDC provenaient des arsenaux des Forces armées de RDC. Le rapport de la Fondation Paix Sur Terre est disponible sous http://www.reseau-rafal.org/siteweb/images/Membres/Afrique_centrale/RDC/....
• Burundi : Le MI-RPD expose à l'Assemblée nationale son point de vue sur la recrudescence de la violence armée
Ce 4 avril 2012, une délégation du MI-RPD, association membre du RAFAL basée à Gitega (Burundi), a été reçue par la première Vice-Présidente de l'Assemblée nationale, Mme Modeste Karerwa. La délégation, conduite par son coordinateur national, Jean Claude Sinzinkayo, a pu exposer son analyse sur la recrudescence de la violence armée actuellement constatée au Burundi. Parmi les facteurs favorisant cette violence, on peut notamment relever la persistance de groupes rebelles, les conditions économiques de plus en plus difficiles, la dégradation des sols et du climat, la possession illégale d'armes par des groupes officiels et non-officiels, et l'absence de loi concernant la remise des armes.
Attentive à cet exposé, la première Vice-Présidente de l'Assemblée a vivement apprécié la contribution du MI-RPD et assuré qu'elle transmettrait ces préoccupations au Président de l'Assemblée. Elle s'est engagée à soutenir personnellement les efforts de l'association, notamment en participant à une conférence-débat que le MI-RPD devrait prochainement organiser sur la problématique de la sécurité, à destination des principaux acteurs étatiques et non-étatiques, avec le soutien du GRIP. Le rapport du MI-RPD est disponible sous http://www.reseau-rafal.org/siteweb/images/Membres/Afrique_centrale/BURU....
3. PUBLICATION RECENTE
• Julia Dufour, « Monitoring de la stabilité régionale dans le bassin sahélien et en Afrique de l’Ouest - Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal - janvier-mars 2012 », GRIP, 4 avril 2012.
Ce monitoring trimestriel est réalisé dans le cadre d’un projet d’une durée de trois ans (2011-2013) intitulé « Amélioration de la sécurité humaine, prévention des conflits et renforcement de l’État de droit dans huit pays d’Afrique occidentale et centrale » financé par le ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché du Luxembourg. Il a pour but de suivre la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest avec un accent plus particulier sur le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger et le Sénégal, et d’autres pays de la région en fonction de l’actualité (le Nigéria pour ce trimestre notamment). Il se penche en particulier sur les questions liées aux tensions régionales, au terrorisme et aux trafics transfrontaliers, à la production et aux transferts d’armements et aux mécanismes de coopération en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.